Les séries que je lisais, dans le temps

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Avant les années 1900 : les malheurs de Jules Verne

Les malheurs de Sophie furent mon premier livre jeunesse. Les livres de la comtesse de Ségur reflétaient leur époque, avec châtiments corporels et classes sociales… Enfant, je tremblais aux bêtises de la jeune Sophie, et des corrections physiques qu’elle subissait. Heureusement, la Sophie en question s’assagira et deviendra une adulte aimante. C’est beaucoup plus tard que j’ai découvert que La comtesse de Ségur se prénommait… Sophie, née Rostopchine.

Les dialogues de la Comtesse étaient comme au théâtre, ce qui aidait la lecture. Les dit-il, dit-elle n’avaient pas cours dans ses livres, bien qu’Alexandre Dumas les ait allègrement employés dans ses Trois, puis Quatre Mousquetaires. Les Trois mousquetaire de Dumas pouvaient-ils être considérés comme jeunesse? Il y avait quand même des scènes de lit (non décrites) évoquées ce copieux ouvrage.

Il n’y avait pas de distinction adulte-jeunesse, mais plutôt littérature populaire et grande littérature. Les écrits de Jules Verne, avaient atteint une incroyable popularité avec 20 000 lieues sous les mers. On le lit encore de nos jours (mais en version raccourcie, parce que trois pages entières à décrire les poissons qui nagent devant le hublot du Nautilus avec leur noms latins en plus, c’est un peu beaucoup pour la génération du XXIe siècle!)

Cependant, la grande tristesse, le malheur de Jules-Verne, c’est d’avoir été considéré sa vie durant comme un auteur jeunesse, même si plusieurs de ses romans d’aventure décrivaient des situations politiques complexes (qu’on pense à Famille-sans-Nom qui se déroulait au Québec de la rébellion des Patriotes de 1837… )

Les années 1960

Quand j’étais petite, je lisais des livres jeunesse qui pour la plupart on été écrits dans les années 50 et 60. Je lisais aussi ce qu’il y avait dans la bibliothèque de science fiction et d’horreur de mon père, mais c’est une autre histoire.

À cette époque, en littérature junior (le mot adolescent n’existait pas alors dans la langue courante), les écueils et les dangers présentés étaient fort différents de ce qui peuple les romans jeunesse d’aujourd’hui!

Les romans scouts mettaient en scène des garçons (toujours des garçons!) aux prises avec la nature, ou sur la piste d’une personne disparue, ou d’un voleur sans scrupules. Ces romans étaient très portés sur la religion, et se démarquaient par l’exotisme des lieux (bonjour le colonialisme!)

Pour les jeunes filles, oubliez l’aventure à grand déploiement. Il y avait cependant la Semaine de Suzette, qui présentait des photo romans et des aventures assez intéressantes mettant en scène des jeunes filles investiguant des mystères. Et c’était parfois assez exotique, comme Claire cherche la Fleur-sans-Nom, un roman épisodique dont nous avons perdu l’auteur, qui met en scène une jeune Française (d’âge non précisé, mais elle parait 15-16 ans, bien que la narration réfère à elle comme une fillette plutôt qu’une jeune fille) qui visite le Tibet. Il y avait encore pas mal de colonialisme à la clef, cependant.

Fantômette, par George Chaulet

La collection Marabout jeunesse est arrivée avec sa bibliothèque rose et sa bibliothèque verte. Dans la bibliothèque rose évoluaient (entre autres!) les séries Fantômette par George Chaulet débutant dans les années 1960, et Le Club des Cinq, par Enid Blyton, une série débutant dans les années 1940 mais popularisée en français après 1960.

Ici, on a de l’aventure avec un grand A, et des situations loufoques.

Fantômette était une justicière masquée adepte d’arts martiaux (le Jiu-Jitsu est mentionné, que l’auteur pratiquait lui-même) qui se cache derrière une écolière futée, Françoise. Celle-ci a deux copines disons, colorées. Boulotte qui mange et cuisine beaucoup et, surtout, la grande Ficelle, très extravagante et distraite!

Ficelle était mon personnage favori, même si elle se mettait dans le trouble, car son imagination était sans limite. George Chaulet m’avait écrit que Ficelle était en fait très intelligente, mais trop fantasque. Aujourd’hui, Ficelle aurait un diagnostic ADHD. (J’ai correspondu avec l’auteur pendant deux ans.)

La série a vu plus de vingt romans. Georges Chaulet garde l’honneur d’avoir présenté la première détective féminine de la littérature française. Si, si!

Évidemment, le summum du mal dans ces romans c’étaient… les trafiquants de diamants et les faussaires! Les voleurs de banque et les fraudeurs arrivaient en second rang, comme ce gang du Furet, des méchants très caricaturaux qui parfois essayaient de tuer notre héroïne, mais elle s’en sortait toujours grâce à ses gadgets.

J’ai adoré la série jusqu’à ce que je dépasse l’âge de Fantômette (lequel n’était jamais précisé dans les romans, mais Georges Chaulet m’a confirmé qu’elle avait 12 ans) et que je me rendre compte à quel point c’était irréaliste qu’une fille de douze ans reste reste toute seule dans une maison super-moderne! On aurait la DPJ sur le dos vite fait! Il y avait aussi les arts martiaux, que j’ai brièvement pratiqués, qui demandent énormément d’heures de pratique pour y exceller!

Le Club des Cinq par Enid Blyton

Le Club des Cinq (The Band of Five) présente quatre cousins (le 5e étant leur chien), de François 13 ans (le plus vieux à 13 ans, son frère Mick 11 ans et sa sœur Annie, 9 ans et demi, qui visitent à Kernach leur cousine Claude, 10 ans. Claude est une jeune fille aux cheveux courts et « garçon manqué » qui prend beaucoup d’initiatives, ce qui me plaisait bien.

Dans chacun des livres, les cousins sont en vacances scolaire, en visite chez un oncle, et doivent démêler un mystère. Et en plus, quand un ami de la famille est un inventeur fou dont les inventions sont convoitées par des bandits… Encore là, les méchants avec un grand M dans ces romans étaient… les trafiquants de diamants et les faussaires! Oh-lala ,comme ça a changé aujourd’hui!

Les situations étaient rocambolesques, mais en général sympathique. À cause des intrigues simples, un mystère à résoudre, la série connaît encore un grand succès aujourd’hui.

J’ai suivi le Club des 5 un certain temps, mais étant au secondaire, je commençais à trouver ça pas mal tannant que sur quarante romans, ces quatre jeunes sont toujours en vacances de Noël, ou en congé, ou en été… Ils devraient être pas mal plus âgés à la fin de la série (Annie a toujours 9 ans et demi!)

Les autres séries jeunesse d’antan

Il y avait la série Mademoiselle de Marabout Junior, comme Les Sylvie, écrit par René Philippe, romans courts suivant une hôtesse de l’air (et plus tard, jeune maman) qui vit des aventure plus lourdes, avec parfois des morts. Je me souviens beaucoup de La dame en rose (1971) car il y avait un attentat où un avion explosait en plein vol, et Sylvie va enquêter (au moment de l’écriture, il y avait une vogue de rose à la mode). Toute l’intrigue de cette histoire repose sur des mesure de sécurité manquantes qui n’auraient pas d’allure aujourd’hui, mais c’étaient les années 1960…

Une autre série Mademoiselle, 5 jeunes filles(le reste du titre change) mettaient en scène des plus adolescentes plus âgées (de 14 ans à 17 ans). Là encore, les trafiquant de diamants avaient la cote! Je me souviens de 5 jeunes filles en bateau (un voilier, super!)

La bibliothèque verte présentait aussi l’agent Langelot, un petit blond de 18 ans engagé dans un service de contre-espionnage, et qui se promène un peu partout, y compris au Canada (une des deux aventures que j’ai lues).

L’auteur, le lieutenant X, (alias de Vladimir Volkoff ) est d’origine russe. Sa famille ayant fui en France après la révolution de 1917. Vladimir a travaillé dans l’armée, et a eu par la suite des contacts avec des responsables de service d’espionnage; ses intrigues de romans destinés aux jeunes garçons sont plus simples que ses romans adultes, et des essais qu’il a publiés sur le danger de la désinformation.

Bob Morane, une série pour adultes? Que non!

Difficile d’oublier les Bob Morane, publiés chez Marabout, étaient bourrés d’action, des intrigues d’espionnage et de terrorisme, imaginées par Henri Vernes, toujours vaillant à 101 ans!

J’avais l’impression que c’était une série pour adultes, à cause de l’action (des combats, des morts, en veux-tu, en v’là!) et le fait que Bob et son ami Bill Ballantine, célèbre amateur de whisky, étaient dans la jeune trentaine. Mais non!

Le Bob était lu par les élèves de 6e années dans ma classe. Il y avait des groupes dans ma classe et les groupes de gars avaient tous leur Bob Morane à couverture jaune bien en vue sur le bureau, tandis que les filles avaient leurs Sylvie… ou leurs comtesse de Ségur (comme moi, mais c’est loin, là.)

Une évolution constante

Tout cela pour dire à quel point la littérature destinée aux jeunes se transforme… avec la société entière!

Michèle Laframboise

Michèle Laframboise explore toutes les saveurs de la crème glacée littéraire, avec une nette préférence pour la science-fiction et ses paradoxes. Le projet Ithuriel, publié aux éditions David, est un tel exemple d’anticipation sociale. La quête de Chaaas, qui suit un adolescent dans une civilisation de super-jardiniers, est un de ses univers de SF les plus aboutis. Son plus récent livre est Le secret de Paloma, aux éditions David, qui aborde la santé mentale sur un monde hostile.

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