Peut-on être « passé date » en littérature jeunesse?

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Lisez les billets de blogue du Salon proposés par l’auteure jeunesse Michèle Laframboise.

Je parle ici des romans destinés au public adolescent, parce que les livres illustrés destinés aux jeunes enfants ne vieillissent jamais. La curiosité de ces très jeunes lecteurs et lectrices leur fait dévorer tout ce que les parents peuvent leur rapporter. Comme adulte, je relis ces livres avec émerveillement. Je peux apprécier comment le texte et les dessins s’agencent avec bonheur pour livrer une histoire qui touche les cœurs, quels que soit leur âge.

Par contre, quand l’enfant devient adolescent, tout change.

 

Passer en coup de vent!

Pour avoir fait bien des salons en trente ans, j’ai pu observer le phénomène de limite d’âge. À moins d’être préalablement connue dans sa jeunesse, une auteure passé la quarantaine, publiant un premier livre jeunesse, va être invisible.

Surtout une femme-auteure. J’ai encore dans mon souvenir cette auteure de 75 ans environ, assise au salon de Montréal qui regardait passer devant sa table de dédicace son jeune public, indifférent.

Mon expérience des salons, ce sont ces jeunes qui passent en coup de vent devant ma table. Sauf, bien sûr, pour les étudiants pressés de faire remplir leur questionnaire préparé à l’avance en classe, ce qui sera abordé lors d’un prochain billet!

Y a-t-il un âge-limite pour écrire de la littérature visant le public adolescent? Bien sûr, poser la question d’un âge-limite suscite naturellement une réponse immédiate. Discriminer sur l’âge d’un auteur? Jamais de la vie!

Le facteur cool?

Les jeunes ne sont pas superficiels comme on pourrait le penser, loin de là.

Seulement, ils et elles ont bien des soucis, et n’ont pas envie de se creuser la tête avec un roman lourd après des journées d’apprentissage et de devoirs.

Les jeunes craindraient-ils qu’un auteur qui paraît « passé date » ne les comprenne pas? Se sentent-ils éloignés d’un auteur qui a depuis longtemps dépassé l’adolescence? Et que dire d’un-e écrivain-e qui traverse l’autre rive, celle opposée à l’adolescence?

Ce n’est pas toujours le cas.

Je salue de notables exceptions, celles et ceux qui ont obtenu une grande reconnaissance dès leurs débuts en littérature. Il ou elle peut alors enrichir cette œuvre jusque dans ses vieux jours sans perte de public.

Pour les auteurs qui n’ont pas cette grande reconnaissance, les salons francophones de l’Ontario, comme celui de Toronto, de Sudbury, de Hearst offrent aux auteurs de belles expériences. Je n’ai jamais oublié mes jours au salon du livre de Timmins.

Car dans un salon réduit en taille, les visiteurs prennent le temps de faire le tour des kiosques et de parler avec les auteurs présents. C’est en jasant avec lecteurs qu’on développe leur intérêt envers l’œuvre présentée.

Se construire, brique par brique

J’ai aussi découvert, grâce aux enseignants, la notion de construction identitaire. À l’adolescence, les jeunes cherchent désespérément des matériaux pour nourrir leur vision du monde, construire leur personnalité, découvrir qui ils et elles sont. Alors, ils et elles se plongeront dans une histoire qui reflètera leurs préoccupations.

À ce sujet, il faut saluer les excellents efforts du Centre Franco (Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques) qui puise à même les trésors culturels de l’Ontario pour offrir des livres courts et accessibles.

Au salon du livre de Toronto est virtuel cette année, préparez vos écrans!

Le salon présentera des créateurs d’univers fascinants pour les jeunes, autant de belles briques qui ne demandent qu’à s’intégrer avec harmonie dans leurs édifices en construction!

La question de la semaine : devrait-on enlever la mention jeunesse des livres destinés aux jeunes? 

Michèle Laframboise

Michèle Laframboise explore toutes les saveurs de la crème glacée littéraire, avec une nette préférence pour la science-fiction et ses paradoxes. Le projet Ithuriel, publié aux éditions David, est un tel exemple d’anticipation sociale. La quête de Chaaas, qui suit un adolescent dans une civilisation de super-jardiniers, est un de ses univers de SF les plus aboutis. Son plus récent livre est Le secret de Paloma, aux éditions David, qui aborde la santé mentale sur un monde hostile.

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Les séries que je lisais, dans le temps