La foire aux idées

Les auteurs en salon sont la cible de questions récurrentes, tout à fait naturelles quand elles proviennent de notre public adoré.

 

« Où prenez-vous vos idées? »

Ça, c’est la question qui tue, ex-aequo dans mon cas particulier avec « qu’est-ce que la science-fiction? »

Dans la liste des questions qui tuent, celle-ci arrive en première place.  

La question provient surtout des adultes qui rêvent de devenir célèbre, s’ils pouvaient juste avoir la bonne idée. Elles proviennent aussi des étudiants qui sont bons en français et rêvent d’une carrière littéraire, mais sans avoir une grande idée de l’art de raconter des histoires.

 Je suis parfois tentée de répondre :

« Tout au fond d’un bois épais, se trouve un puits magique. Quand on a trouvé ce puits, il suffit de plonger la chaudière pour y puiser de bonnes idées… Voire, un livre terminé aux couvertures encore dégoulinantes! »

Mais non, les idées n’arrivent pas toutes seules. Il faut les nourrir!

L’inspiration puise à trois sources dans nos vies : nos expériences personnelles et nos désirs (comme : j’ai toujours voulu avoir les cheveux longs mais les miens fourchent…), nos lectures (j’inclus le cinéma, les magazines, Internet…) et notre imagination.

Je pourrais aussi dire, la curiosité.

Dans la vraie vie, quelque chose nous intrigue, et on va chercher une réponse. Par exemple, j’observe des escargots dans mon jardin.  Ils m’intriguent. Je les observe, et je recherche des informations sur leur biologie. Oh surprises, ces petites bêtes sont hermaphrodites! Et en plus, aucun organe auditif, ils ont une mauvaise vue, et des antennes! Ils possèdent un organe cytostatique qui contrôle l’équilibre...

Bientôt, j’en apprends tellement sur ces ravageurs de jardin (attirés parla bière!) que j’avais les bribes d’une histoire en main. Ainsi et née le Service de police du Grand Jardin, de courts récits publiés dans les deux langues, mettant en scène des escargots enquêteurs, dans un service qui n’est pas exempt de corruption!

C’est pour cela que je vous souhaite, de rester curieux-se!

 

« On va me voler mon idée! »

Non, pas de danger!

Explication : les idées sont dix sous la douzaine.

Et, contrairement à une idée qui perdure, elles ne sont pas protégées par le droit d’auteur! C’est la forme concrète qu’une personne donne à son idée qui sera protégée. La forme peut être un film, un roman, une bande dessinée, une série télévisée…

Un exemple, dans mon domaine, la science fiction.

Le thème « Les Martiens attaquent la Terre » (oui, un thème remâché depuis des lustres) n’est pas protégé par un copyright. Par contre, le film War of the Worlds (tiré du roman de HG Wells) lui, est protégé, car c’est une mise en forme tangible d’une idée.

Comme sont protégées les paroles des chansons qu’on cite dans une page. Le droit d’auteur est un domaine complexe, même pour les photos que j’utilise dans mes blogs, ou pour les couverture des romans que je publie par ma compagnie Échofictions.

J’achète le droit d’utiliser les photos, et je cite l’auteur ou l’organisme qui a produit la photo dans ma page de copyrights. C’est une marque de respect envers travail accompli par une autre personne.

 

Le « problème de Mars »

Les idées sont parfois contagieuses. Ainsi, après le film The Martian, nombre d’éditeurs ont constaté une grande vague de soumissions se déroulant sur la planète Rouge… (illustration)

Ces temps-ci, les textes portant sur les épidémies se multiplient comme une infection.   

Encore là, ce n’est pas l’idée qui cause un problème, mais le traitement qu’une auteure lui donne. Une anthologie va parfois lancer un appel de texte sur un thème précis, par exemple, « désert». Plein de candidats vont sauter sur la première idée et pondre une intrigue dans le Sahara ou sur une planète désertique (bon ça ressemble à Mars, là…) alors que le désert peut être moral aussi, ou alimentaire…

C’est ce qu’un éditeur a appelé Le « problème de Mars ».

 

Habiller l’idée!

Attention au purisme : une superbe idée ne peut rester nue, ce serait comme manger de la farine en poudre. L’idée lumineuse doit être habillée d’intrigues, complexes comme de la dentelle, ainsi que personnages étoffés. Bref, notre écriture sert l’histoire qui met en valeur cette idée.

Après une année à écrire une histoire par semaine, je peux dire qu’on n’a absolument pas besoin d’une idée, pour écrire. Ou plutôt, elles viennent en écrivant.

En fait, c’est comme partir un moteur de tondeuse à gazon. Ça me prend une étincelle, ça peut être un mot, une image, pour plonger dans une histoire, et qui s’enrichit à mesure qu’on ajoute des détails. Même sans savoir comment elle va se terminer. L’intrigue s’étoffe, devient de plus en plus touffue… et le puzzle finit par se résoudre.

Les idées ne sont rien sans le travail que vous accomplissez pour les rendre digestibles!

Michèle Laframboise

Michèle Laframboise explore toutes les saveurs de la crème glacée littéraire, avec une nette préférence pour la science-fiction et ses paradoxes. Le projet Ithuriel, publié aux éditions David, est un tel exemple d’anticipation sociale. La quête de Chaaas, qui suit un adolescent dans une civilisation de super-jardiniers, est un de ses univers de SF les plus aboutis. Son plus récent livre est Le secret de Paloma, aux éditions David, qui aborde la santé mentale sur un monde hostile.

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